Pour un Noël sans préjugés Décembre 2017

Pour un Noël sans préjugés Décembre 2017

Le rôle de la presse magazine  dans la socialisation des enfants

Personnages enfants rose et bleuDeux sociologues, Sylvie Cromer de l’université Lille 2 et Mona Zegaï de l’université Paris 8 ont exposé, devant une trentaine de personnes, la façon dont les magazines pour enfants (Sylvie Cromer) et les catalogues de jouets (Mona Zegaï) contribuent à la socialisation des enfants selon leur sexe. 

S. Cromer, dans son exposé intitulé « Quel projet d’éducation ? L’exemple des magazines pour petites filles », a d’abord expliqué que la socialisation est la façon dont la société forme et transforme les individus. Or, malgré le principe juridique de l’égalité des sexes, cette socialisation reste très différenciée. La conférencière a étudié deux magazines pour petites filles qui tous deux décrivent des vies de filles ou de femmes très stéréotypées (beauté, ménage, soins aux enfants). Y sont encouragées les qualités « féminines » (ne pas être jalouse ou égoïste, se marier, être attentive aux autres). Les rôles parentaux y sont clairement départagés (mère au foyer, père au travail).

Le rôle de la presse

La presse magazine renforce ainsi l’idée de deux univers distincts, sexuellement différenciés et différenciateurs, qui construisent chez les enfants des manières d’agir et de penser sexuellement et socialement codées. La même analyse peut s’appliquer à d’autres domaines contribuant à la socialisation des enfants (école et livres scolaires, émissions enfantines TV et radio, réseaux sociaux, etc.)
S. Cromer conclut sur la nécessaire lutte contre les stéréotypes et les préjugés qui empêchent l’enfant de développer son individualité et de construire son autonomie. Il est important, dit-elle, d’ouvrir tous les possibles à chaque enfant, au-delà de l’assignation de sexe, de classe, d’origine. Ceci est d’autant plus important, que l’enfant est sujet à de multiples influences au-delà du cercle familial restreint, à l’école notamment et avec ses copains-copines. 

La segmentation des jouets

L’exposé de Mona Zegaï porte sur « La segmentation sexuée du monde du jouet et ses évolutions (1980-2017) ». Sur la base d’une enquête approfondie et de nombreuses diapos, M. Zegaï montre, pour la période 1980-1990, les modalités de séparation des jouets selon le sexe de l’enfant, appliquées d’une part par les fabricants qui usent et abusent du rose pour les filles et du bleu pour les garçons et d’autre part par les distributeurs qui séparent les rayons filles et garçons. Des diapos illustrent les stéréotypes de genre : les jouets proposés poussent chez les garçons le côté compétition, danger, domination ; chez les filles, la coopération, la sécurité, l’amour…
Cependant, on assiste à partir de 1990 à une remise en cause modérée des stéréotypes de genre. On commence à voir, dans les catalogues de jouets, des filles jouant au médecin ou à des circuits et des garçons faisant la cuisine ou le ménage.

Quels conseils?

Mona Zegaï suggère en conclusion, pour déjouer les stéréotypes, de donner aux enfants des jouets aussi neutres que possible mais aussi que, dans la vraie vie, le couple parental se répartisse les tâches domestiques le plus équitablement possible. Les parents peuvent également orienter le gout des enfants (sans interdictions formelles) ; par exemple proposer aux filles des jouets de garçon. Même si elles n’en veulent pas, elles comprendront que c’est possible…
Voir les supports de présentation 
 
A la fin des deux exposés, la parole est donnée à la salle qui pose de nombreuses questions. Plusieurs témoignages ont aussi enrichi le débat : Christine, professeur des écoles, a évoqué un livre (« la révolte des cocottes »)  qui avait beaucoup marqué ses élèves et permis d’échanger avec eux; Gilles, jeune papa, a fait part de son analyse de la collection de Tchoupi de ses enfants  et montré ainsi les efforts de certains éditeurs pour ne pas reproduire des représentations stéréotypées. Thierry, dessinateur-illustrateur professionnel a expliqué que des éditeurs de revues ou bandes dessinées imposent souvent un style allant dans le sens des stéréotypes de genre, probablement dans l’espoir de meilleures ventes.
A la fin de la séance, Thierry Desailly, a présenté son livre « Le jeu du genre »[2], dont l’édition est en cours de préparation. ADS informera ces adhérents et contacts de l’avancement du projet.   
Un pot clôt la séance, durant lequel le public a pu consulter un choix de livres et une bibliographie, spécialement préparés par Brigitte Moyon, bibliothécaire. Un grand merci à tous les contributeurs pour cette séance fort intéressante !   Consultez les bibliographies  

[1] S. Cromer se réfère notamment aux travaux sur la plasticité cérébrale de la neurobiologiste Catherine Vidal qui a animé l’événement ADS du 13 décembre 2016 « Cerveau, Sexe et Préjugés »
[2]  Ce travail est issu de l’événement « Osons tous les métiers » de Avril 2016, au cours duquel Thierry Desailly avait été invité à illustrer certains métiers