Les enfants co-victimes des violences conjugales
Avec la projection du film de Xavier Legrand « Jusqu’à la garde » qui a marqué fortement la salle.
Et une table ronde avec les intervenantes suivantes:
Les violences conjugales et leurs principales conséquences sur les enfants
- Les violences psychologiques et verbales, qui souvent précèdent les violences physiques, sont difficiles à prouver. Trop souvent la justice ne suit pas ; pourtant ces violences-là créent une relation d’emprise entre le conjoint violent et la victime. Les violences physiques démarrent dans de nombreux cas au moment de la grossesse et s’aggravent avec le temps.
- Dans les situations de violences conjugales, les enfants sont victimes à plus d’un titre. Ils sont témoins, ils peuvent subir eux-mêmes des actes de violence, enfin ils sont instrumentalisés par le parent violent qui, loin de chercher le bien de ses enfants, les utilise pour faire pression sur sa conjointe ou son ex-conjointe. Les enfants se retrouvent face à une situation qu’ils ne peuvent pas assumer, celle de devoir protéger leur mère !
- Les enfants co-victimes de violences conjugales souffrent de troubles massifs : diabète, obésité, troubles du sommeil, énurésie, retard scolaire, peurs…Ces enfants inversent la culpabilité en la dirigeant non plus vers l’agresseur mais vers eux-mêmes. Ces troubles affecteront durablement leur devenir et l’on constate une tendance à la reproduction de ce cycle de violences. Ainsi 30 % des mineurs délinquants ont grandi dans une famille connaissant des violences conjugales ; il existe des mères tapées par leur fils devenu adolescent. Il n’est pas rare non plus que les femmes ayant connu des violences conjugales pendant l’enfance aiment à leur tour un homme violent.
- Aux femmes tuées par un conjoint violent (137 en 2019 au moment où ces lignes sont écrites), il faut ajouter celles qui se suicident (219 en 2019). Ces gestes ne sont évidemment pas sans conséquence sur les enfants ! Certains peuvent eux-mêmes vouloir attenter à leur vie.
Que dit le droit ?
- Le Juge aux Affaires Familiales (JAF) peut, en cas de violence, accorder l’autorité parentale exclusivement à la mère mais cette pratique est peu courante. Il est conseillé de prendre un avocat car il saura plaider face à l’avocat adverse.
- Le droit de visite peut s’exercer dans un lieu médiatisé afin que le parent victime n’ait pas à rencontrer le conjoint violent. Mais, là encore, la justice hésite à mettre en œuvre une telle disposition, d’autant que ces lieux ne sont pas très nombreux.
- Une femme victime de violence peut bénéficier d’une Ordonnance de Protection (OP). C’est une mesure d’urgence (même s’il faut souvent un délai de plusieurs semaines pour l’obtenir) qui peut prévoir notamment l’éviction du domicile du conjoint violent, l’interdiction de rencontrer certaines personnes, la suspension de l’autorité parentale.
Un axe majeur : la formation des professionnels
- Il faut apprendre aux médecins à poser les questions qui vont mettre une victime en confiance afin qu’elle puisse parler. Des observations faites récemment en milieu hospitalier prouvent que la quasi-totalité des femmes victimes de violence parlent de leur problème pourvu que le médecin leur pose des questions.
- Des formations sont organisées dans certains commissariats. Il faut généraliser de telles pratiques.
- La mairie de Bourg-la-Reine fait appel au Centre Flora Tristan pour former à la détection les personnels ayant contact avec les femmes ou les jeunes enfants, notamment la police municipale, les personnels des services sociaux, des crèches, des cantines, les personnels assurant le temps périscolaire…
Une volonté et des moyens pour la prévention et l’accompagnement
- Pour être plus efficace, il faut arriver à une meilleure coordination entre les différents services : police, justice, aide sociale à l’enfance.
- Il faut aussi des moyens conséquents pour financer le développement des formations, pour créer des places d’accueil d’urgence ou pour reloger les femmes victimes de violence et leurs enfants, pour créer des lieux de visites médiatisées, pour créer des centres de prise en charge des hommes auteurs de violences afin d’éviter leur récidive, etc.
- Il devient urgent d’organiser, pour les aider et les protéger, la détection dans les classes des enfants victimes de violences. Un tel dispositif, mis en place dès la maternelle, encouragerait également les mères à faire suivre leurs enfants en fonction du besoin psychologique ou médical.
- La campagne conçue par le Centre Hubertine Auclert « tu m’aimes, tu me respectes » ou la diffusion du « violentomètre », outil de prévention mis en place par la mairie de Paris et le département de la Seine-Saint-Denis, sont des initiatives de prévention à vulgariser auprès des collégiens, lycéens et étudiants.
- Il faut poursuivre les réunions et campagnes d’information et de sensibilisation auprès du grand public tant au niveau local que national.
Témoin ou victime, que faire ?
Numéros utiles :
119 : C’est le Service National d’Accueil Téléphonique de l’Enfance en Danger accessible 24H/24, 7J/7. Il permet de signaler une information préoccupante à des professionnels aptes à évaluer la situation, à prendre les mesures qui s’imposent et à faire appel aux services d’urgence en cas de danger immédiat.
3919 : C’est le numéro national pour les femmes victimes de violences. Ce numéro est accessible 7 jours sur 7 (de 9h à 22h du lundi au vendredi et de 9h à 18h les samedis, dimanches et jours fériés).
01 47 36 96 48 : C’est le numéro du Centre Flora Tristan qui, dans le 92, accueille en urgence les femmes battues. Ce centre dispose d’un espace d’accueil dédié aux enfants.
01 47 91 48 44 : Femmes victimes de violences 92 (du lundi au vendredi de 9h30 à 17h30).
Interventions possibles :
- Déposer une plainte et non une main courante. À savoir : un policier n’a pas le droit de refuser une plainte, si c’est le cas, le dépôt de plainte ne dépendant pas du lieu de l’infraction, il faut se rendre dans un autre commissariat !
- Faire un signalement auprès du Procureur de la République (TGI de Nanterre pour le 92).
- Écrire au juge des enfants.
- Et pour chacune et chacun d’entre nous, être attentif. Si l’on perçoit des signes de mal-être de femmes ou d’enfants dans notre entourage, il faut les écouter et les orienter vers les structures composées de professionnels(les) qui sauront les conseiller et les accompagner. Il ne faut pas hésiter, si la victime est trop affectée pour agir, à appeler soi-même un numéro d’urgence.
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