Témoignage Célia, 1001 façons de faire famille, Novembre 2025

Témoignage Célia, 1001 façons de faire famille, Novembre 2025

Dans le prolongement de notre événement « 1001 façons de faire famille », retrouvez ce témoignage de Célia interviewée par Gérard Aimé :

L’histoire devait être écrite depuis longtemps, avant même ma naissance, il y a 19 ans.

Mon père et ma mère biologiques, Mauriciens, s’aimaient d’un amour passionnel mais, comme pour Roméo et Juliette, il fallait que les deux familles rejettent leurs amours, les privant ainsi du bonheur de s’occuper d’un enfant, ma mère biologique étant enceinte d’une fille, Moi.

Heureusement….

De l’autre côté des océans, ma future marraine, cousine mauricienne de ma mère adoptive, proche des deux familles et d’une association d’aide aux mères en détresse, considéra comme un devoir de réparer cette injustice. Car mon père et ma mère adoptifs ne pouvant pas avoir d’enfants se sont tournés vers elle. C’est ainsi que la jeune maman mauricienne accepta de donner naissance à cet enfant pour le confier immédiatement, en le reconnaissant, à mes futurs parents français et enclencher sur place la procédure d’adoption.

Ainsi, dès ma naissance, mes parents « adoptifs », se sont vus confier une jolie petite fille, et devinrent, sur papier, au terme de la procédure (enquête sociale et jugement), officiellement, mes parents.

En France il y a deux types d’adoption. Dans le cas de l’adoption simple, les liens avec la famille d’origine sont maintenus. Dans le cas de l’adoption plénière, il y a une rupture totale des liens de l’adopté avec sa famille d’origine. À l’île Maurice, ma mère biologique a consenti à l’adoption simple et à sa conversion en adoption plénière en France.Ma mère biologique ne demandait à mes parents « adoptifs » que l’assurance de garder un contact avec cette petite fille. C’est ainsi que je suis allée à mes 18 ans à l’île Maurice, avec mes parents adoptifs et mon compagnon.

Parents biologiques, parents adoptifs…tout ça n’a guère de sens quand on s’aime.

Trois mois après ma naissance, je me retrouvais donc en France, parfaitement française vis-à-vis de l’état civil à l’issue du jugement d’adoption plénière, rendu un an plus tard.

Ainsi se réalisaient les souhaits des différents membres de ma grande famille, pour la plus grande joie de mes deux familles, la française et la mauricienne. Ma mère biologique installa chez elle une sorte de présentoir exposant, chaque année, une photo actualisée de mes anniversaires et mon avancée scolaire.

Je ne me suis pas posé de questions existentielles sur mes liens familiaux, jamais posé de questions sur ma qualité, ou non, de « française » ou de « mauricienne ».

Pratiquement dès ma naissance, alors que j’étais officiellement fille de deux parents français, j’ai fréquenté une association d’enfants qui, tous, étaient des « enfants adoptés », cette appellation recouvrant des horizons très différents. Accueillis dans l’association, ces enfants, filles ou garçons, devenaient des « petits princes », recevant une statuette évoquant le personnage international, le Petit prince popularisé par Saint Exupéry, lequel n’avait malheureusement jamais envisagé de petites princesses.

Je n’ai donc jamais été gênée ou attristée des questions que pouvait se poser mon entourage, adultes comme copains ou copines d’école. J’avais d’ailleurs trouvé un système pour éviter les questions sur mon statut. Mes parents adoptifs étant blancs, étant moi-même plutôt magnifiquement colorée, je faisais généralement les courses avec l’un ou l’autre de mes parents, rarement avec les deux en même temps. Ainsi, si j’étais avec mon père, blanc, on pensait que c’était ma mère qui devait être Mauricienne et si j’étais avec ma mère, blanche malgré ses origines mauriciennes, on pensait que c’était mon père qui était Mauricien, et cela évitait les questions inutiles.En tout cas, je n’ai jamais ressenti une forme quelconque de racisme dans les questions que l’on me posait. Jamais je ne me suis posée de questions sur mon « intégration ».

Au lieu d’être « adoptée », par une famille, je me suis créé ma famille.

Curieusement, seule la naissance d’une « demi-sœur », fille de ma mère biologique, mauricienne, a légèrement terni mon existence dorée. Pour la première fois, j’avais comme une concurrente pour partager un amour biologiquement naturel mais cela n’a pas duré longtemps, ma demi-sœur, avec des parents différents, est ma sœur à part entière. Chacun « se fait sa famille », chacun trouve son chemin vers cette famille, même sans aucun lien de sang mais sincèrement, je suis sûre qu’être « adoptée » est un avantage et que ça me permet aujourd’hui d’avoir une sensibilité très poussée vers la compréhension d’autrui. Car de mon vécu, ce que je peux retirer, c’est que je suis née de l’amour de deux personnes qui ne pouvaient pas être ensemble, ce qui romantise beaucoup la chose. J’ai d’ailleurs cette sensation par moment de sortir d’un livre de William Shakespeare. »

Célia

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